C’est en regardant une sélection de mes œuvres à travers le temps que j’ai décelé un trait commun qui tendait à se répéter. 

En effet, mes personnages ont très souvent les yeux levés et fixés  sur un point hors-champ au- dessus d’eux. Un point mystérieux dont je ne connaissais pas la nature… ou plutôt j’en avais un sentiment vague mais assez sûr pour y donner cette importance. 

Au début cette composition est venue naturellement. Toutefois je savais qu’il faudrait préciser ce point de détail, j’attendais seulement le moment spécial pour cela, où je serai prêt pour ce voyage d’exploration. Il est important de vivre à fond chaque période au lieu d’aller trop vite, toujours pressé par nos impulsions. c’est d’ailleurs comme cela, en prenant le temps que se produisent peintures après peintures, sinon l’artiste passe d’une idée à l’autre sans s’installer à sa planche et produire une chose puis une autre et encore une autre. Une guerre entre la fluidité des idées et la consistance du monde physique. Après tout pourquoi se tuer à laisser une forme de nos idées dans le monde physique alors qu’on pourrait finalement les laisser filer en les  contemplant dans un voyage immobile allongé tranquillement sur son canapé. 

Il me restait donc à définir quel était exactement la nature de ce point lointain car quand vient le moment j’aime bien aller toujours plus profond dans les choses. Pourquoi donc quelqu’un regarderait en l’air : un oiseau, un avion, le tonnerre qui gronde… c’est plausible.

En creusant un peu plus je vois que ce que le personnage que je peins regarde c’est ce que moi je veux voir. 

Alors qu’est ce donc que je veux voir à la fin ? C’est ce que je veux que le spectateur voie également.

Avec ça j’ai l’impression qu’on tourne autour du pot. Pourquoi ai-je l’impression que ce point mystérieux doit le rester. Pourquoi devrait-il rester dans l’ombre ? Lui qui est souvent source de lumière. 

Je me rappelle le Christ ou d’autres figures dans les Peintures religieuses qui regardent au ciel  d’un air absorbé ou plutôt absent car ils sont portés par une vision  divine dont l’expérience est indescriptible avec les mots. 

C’est donc pour ça que mon inconscient rechigne à mettre des mots sur la question : Que regardent mes personnages ? Car je sais au fond de moi que cette chose ne peut pas être décrite. 

Pourtant je ne suis pas vraiment porté par la religion, peut-être après tout que ce genre d’expérience peut tout aussi bien arriver en dehors de toute pratique dite religieuse.

Ah, mais tout ce chichi est fatigant à la fin, n’y a-t-il donc pas une explication précise, qu’on n’en ait le cœur net une bonne fois pour toutes car ce texte commence à être long ! 

Ah, bien je vous dirai que si vous voulez vraiment une réponse, c’est à vous de la trouver. Vous en avez déjà d’ailleurs une petite idée, je crois le deviner en sondant vos regards impatients qui s’allument petit à petit. Oui !? j’entends l’un de vous qui a parlé. Quelqu’un peut-il me le répéter ? Oui merci, tout à fait, c’est cela même. Exact, ça exprime parfaitement la chose ! … Eh bien vous voyez, c’est magnifique, on a enfin trouvé. 

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